Marc MAOUCHE a répondu au magazine LE REVENU, dans un article paru ce week-end. A lire ici
Les actionnaires salariés ont pris de plein fouet la chute des cours de leur entreprise. Faut-il rester fidèle à cet actionnariat participatif ?
Les 3,5 millions de salariés actionnaires, comme les 3,7 millions d’actionnaires individuels, souffrent de la dégringolade boursière.
Et ils seront aussi concernés par les baisses de dividendes.
Ne pas se précipiter pour vendre
Pour tous ceux qui viennent de souscrire à ces programmes d’actionnariat salarié, il faudra attendre pour vendre, en général cinq ans, et jusque huit ans dans le cadre de la participation en l’absence d’accord, en espérant que les actions auront rattrapé le chemin perdu d’ici là.
Pour ceux dont les actions sont devenues disponibles, l’attentisme prévaut. «Nous ne constatons pas de mouvements anormaux à ce jour même si des questions se posent sur la valorisation des actions quand elles se basent sur des comptes clos en 2019, en particulier dans le non coté», souligne Mathieu Chauvin, président du groupe d’épargne salariale Eres.
«Nous n’avons pas entendu de conseil de vendre des actions lors de la chute des marchés», confirme Marc Maouche, président de l’association des actionnaires salariés d’Orange (AASGO), alors que 150.000 salariés dans le monde recevaient, en cette fin mars des actions gratuites, en vertu d’un programme initié il y a trois ans.
Et de relativiser la chute récente. «Ce n’est pas la première fois que le cours baisse de façon très forte. Lorsque le cours s’est effondré en 2000, puis lorsqu’il avait tutoyé les 8 euros en 2013, très peu de salariés avaient cédé leurs titres».
Malaise sur le dividende
Mais difficile de résister à la schizophrénie du salarié actionnaire quand le confinement et ses effets conduisent ces entreprises à user du chômage partiel et à revoir leurs dividendes. «Le salarié actionnaire cumule baisse de revenu et baisse du patrimoine», souligne Marc Maouche chez Orange.
Dans ce groupe où les salariés représentent la deuxième force derrière l’État avec 5,5% du capital et pas loin de 10% des droits de vote, les instances syndicales ont donc posé la question du dividende, généreux, d’Orange. «Nous ne sommes pas sur le dogme «il faut supprimer le dividende».
Nous avons demandé à la direction et au conseil d’administration d’Orange de se poser la question du dividende et de la bonne gouvernance» tout en précisant qu’à part dans les boutiques fermées, Orange a maintenu les emplois et les salaires et s’interroge sur la manière de solliciter le personnel disponible pour renforcer les plateformes de services aux clients.
«Le dividende est important pour les détenteurs d’actions qui vivent sur leurs revenus comme certains fonds de pension, mais à terme sa suppression ne devrait pas jouer sur la valorisation boursière des sociétés», estime Régis Bégué, responsable de la gestion actions chez Lazard Frères Gestion, qui anticipe que les chutes qui ont suivi les annonces de suppression se résorberont. Une temporalité à gérer, comme celle de la prise de bénéfice quand elle se représentera.
Orange a finalement décidé de réduire son coupon de 29%, à 0,50 euro.
Mieux se protéger à l’avenir
S’il n’est plus temps de vendre aujourd’hui pour ne pas rater une reprise, il faudra en effet savoir céder quand le ciel bleu reviendra. «Beaucoup de salariés tendent à conserver les actions de leurs entreprises qui représentent parfois la quasi-totalité de leur épargne financière, oubliant une sage règle de diversification de leurs avoirs», relève Benjamin Pedrini, cofondateur de la start-up spécialiste de l’épargne salariale Epsor.
La durée de détention des actions de leur entreprise par les salariés est en moyenne de huit ans au-delà des cinq ans de blocage. Très loin de la moyenne observée sur l’ensemble des PEE : les salariés y débloquent en moyenne cette épargne salariale au bout de 2,9 ans (en utilisant largement les cas de sorite anticipée (départ de l’entreprises, achat de la résidence, mariage/PACS…) relève Benjamin Pedrini.
Orange ne dément pas : sur 116.000 porteurs de parts, le FCPE Orange actions qui concentre près de 40% des actions des salariés recense 52.000 anciens salariés et retraités.
La récurrence des crises boursières devrait pourtant inciter les salariés à diversifier leurs avoirs vers des supports plus prudents une fois les actions de l’entreprises devenues disponible. «C’est une vraie problématique de défaut de conseil et d’accompagnement des salariés par les acteurs actuels», estime Benjamin Pedrini.
Réaliser des arbitrages est aisé. Attention néanmoins aux fenêtres de tir, il peut arriver qu’un FCPE ou une Sicav d’actionnariat salarié prévoit des périodes d’arbitrage
Profiter des programmes post-crise
Aujourd’hui, l’intérêt de l’actionnaire salarié est de profiter des programmes présents et donc d’épargner les primes d’intéressement et de participation pour les placer en actions de leur entreprise, surtout s’ils y sont incités par des décotes ou de l’abondement.
Rappelons qu’en bloquant ses primes, le salarié évite aussi qu’elles ne soient assujetties à l’impôt sur le revenu.
Entreprises et salariés auront donc certainement à cœur d’accroitre leurs poids au capital à bon compte. Bruno Le Maire, en présentant la loi Pacte affichait l’ambition de parvenir à 10% dans l’ensemble des sociétés entrainant l’adhésion de beaucoup d’entre elles, même si cela supposait des efforts qualifiés de «gigantesques» par beaucoup.
En moyenne, l’actionnariat salarié représente 3,2% des entreprises composant l’indice CAC 40. En tête Bouygues avec 19%, Vinci 9%, Saint-Gobain 8%, Safran 6,9%, Société Générale 5,9%, Orange 5,5%…
Dommage dans les circonstances actuelles que le forfait social soit resté à 20% pour l’abondement destiné à l’achat de titres de l’entreprise sans effort du salarié désormais permis par la loi Pacte. «Cela s’apparente à des actions gratuites collectives, mais le forfait social restant à 20% dans ce cas, il n’est pas sûr, de ce fait, qu’il soit très utilisé et c’est regrettable car c’est un très bon outil», estime Mathieu Chauvin.